Musée de Chabouté, entre fantaisie et hommage.

Avec ce nouveau roman graphique “Musée”, Christophe Chabouté revient sur ses premiers amours. Alors étudiant aux Beaux-Arts au Musée d’Orsay, il y fait une rencontre décisive, les Parlementaires de Daumier, ces statuettes saisissantes de réalisme semblent douées de parole. Et si les œuvres avaient également une vie propre ? C’est ce fil fantaisiste que tisse le dessinateur pour dire en creux notre rapport à l’art.

Musée, une galerie artistique et sociale

Un ensemble en noir et blanc mais la vie insufflée à coups de traits sobres et précis met en mouvement des œuvres iconiques et leur restitue toutes leurs couleurs d’origine.
Les premières pages saisissantes de réalisme nous invitent déjà à nous demander qui regarde qui ? Pas de textes, ces pages muettes sont pourtant extrêmement bavardes pour qui les regarde attentivement. Chabouté saisit les expressions et croque avec finesse les postures sur le vif, rendant la ribambelle de vignettes aussi vives qu’expressives. Qui un regard, qui un placement du corps, les visiteurs sont décortiqués comme des statues modernes.

Puis ce sont les postures sociales, un ton qui se veut incisif, un commentaire péremptoire ou encore une simple observation poétique.

– Maman ? Pourquoi elle parle tout le temps la dame ?
– Ben elle est guide, elle explique les tableaux aux gens.
– Ah !… Ils regardent avec les oreilles alors… ben, la dame qui parle tout le temps, elle dit juste aux gens ce qu’ils doivent regarder et comment regarder !

Tout est effectivement une question de regard et regardons-nous bien ? La galerie de visiteurs nous invite à nous questionner sur notre façon d’observer : sommes-nous de ceux qui passent par un téléphone, pour regarder encore plus tard ? Regardons-nous avec nos oreilles comme le dit si joliment cette petite fille ? Sommes-nous réellement présents et attentifs ? Cherchons-nous à valider une connaissance ? Une reconnaissance ?

Chabouté joue avec l’observateur observé

Dès que la nuit tombe, une nouvelle vie s’empare des allées. D’étranges déambulations nocturnes lèvent le voile sur un autre monde mystérieux : la vie des œuvres d’art. Et si celles-ci avaient aussi leur propre regard sur les choses de ce monde ? Qui ne s’est pas laissé à imaginer la vie d’un musée la nuit ?Chabouté le fait et nous donne une place atypique. Si en littérature, le narrateur qui s’adresse au lecteur rompt le contrat tacite entre un lecteur et son œuvre ; ici nous devenons témoins et complices de cette vie nocturne. Confidents malgré nous, gardiens de secrets, une magie fantastique s’opère. Nous découvrons lors une vie nocturne loin du silence et de l’immobilité. Les Parlementaires – ou plutôt les célébrités du Juste Milieu – se révèlent d’exécrables pipelettes avides de racontars. Le grand Héraklès devient malgré lui un philosophe tragi-comique, alors que Berthe Morisot est l’objet d’une tendre histoire … Sont-ils différents de nous ? Tous révèlent une part d’humanité touchante dans ce huis clos poétique et charmant.

Mon avis

Première lecture d’un roman graphique de Chabouté et ce voyage magique dans les couloirs du Musée d’Orsay m’a conquise C’est un album magnifique, sensible et poétique qui vous donnera certainement qu’une envie, celle d’aller voir ces œuvres. Un beau moment de lecture fin et intelligent à offrir ou à s’offrir.

“Musée”, Christophe Chabouté a été récompensé du Grand Prix RTL de la BD 2023.

Musée
Christophe Chabouté
Editions “Vents d’Ouest“. Hors Collection. 23€