Mr Gladstone et la demi-mondaine.
Dans cette nouvelle nous retrouvons la verve so british de Roy Lewis, l’auteur illustre de Pourquoi j’ai mangé mon père, qui imagine ici la rencontre de deux figures marquantes de leur époque : celle de William Gladstone, quatre fois premier ministre et chancelier de l’Echiquier, deux des plus hautes charges du gouvernement britannique – et ce sous le règne de la Reine Victoria – , avec Cora Pearl, surnommée la “Grande Horizontale”, “demi-mondaine” emblèmatique du Second Empire, maîtresse de nombreux hommes de pouvoir issu de la politique ou du monde économique, et peut-être même, de Napoléon III.
Gladstone est loin d’être un personnage anodin par sa charge, mais également par son implication dans la vie publique, puisque ce dernier mène plusieurs oeuvres de bienfaisance en faveur des prostituées. Alors que la Commune gronde à Paris, et que sa présence n’y est plus désirée, Cora Pearl retrouve sa ville natale, Londres, où elle rencontra alors William Gladstone. Ici commence le travail de Lewis, qui imagine une conversation entre ces deux personnes de pouvoir, l’un sur le devant de la scène, la seconde oeuvrant en coulisses.
Mr Gladstone et la demi-mondaine peut laisser pantois. En effet, il est très différent de ce qu’a déjà pu écrire Roy Lewis (et c’est tant mieux ! Rien de plus triste qu’un auteur sans imagination), mais c’est surtout sa forme qui désarçonne : entre roman de moeurs et dramaturgie. Sans obéir complétement aux règles du théâtre classique (sauf si l’on considère Londres comme seul lieu d’action), il est profondément marqué par la catharsis, cette purgation des passions. Pour Gladstone, il s’agit de lutter contre “sa soif” des femmes qu’il tente de combattre en aidant les prostituées à quitter leur chemin de tristesse, alors que Cora Pearl fait le choix de rester une femme objet, mais une femme indépendante au milieu des puissants, une femme politique, dût-elle renoncer à l’amour. Roy Lewis livre ici une peinture comparée de la France et de l’Angleterre de la fin du XIXe siècle, et une étude détaillée de la soif de la puissance et du pouvoir fort complète.
Mr Gladstone et la demi-mondaine.
de Roy Lewis
Editions Actes Sud. Collection “Lettres anglo-américaines”.
70 pages. 10,37€. ISBN : 2-86869-953-7