Confessions d’un gang de filles vs Foxfire
Ce qui vous lie au plus profond, vous ne pouvez le ressentir.
Sauf si on vous l’enlève.
Avant d’être un film de Laurent Cantet (Foxfire), Confessions d’un gang de fillesest un portait au vitriol de l’Amérique des années 50 de la prodigieuse Joyce Carol Oates. Plaidoyer pour ces jeunes femmes cherchant plus de justice et de liberté, pamphlet contre ces mêmes confréries, dont l’univers se déconnecte inexorablement de la société, qui à vouloir la faire changer et la convaincre de sa bonne cause, ne peut que l’horrifier et en être rejetée.
Car ce que vous trouverez dans ce livre, pêle-mêle (mais dans un désordre bien orchestré, ainsi que le sont les intrigues remuantes de Oates, laissant le lecteur sans répit), c’est une aspiration forte et irrépressible des ces jeunes filles à être aimées pour ce qu’elles sont, certaines abandonnées de leur famille ou isolées, à être respectées que ce soit par les hommes ou par les consoeurs. C’est l’histoire de jeunes femmes qui se choisissent une famille, se choisissent pour soeurs, dans un monde qui leur semble hostile et dans lequel il leur semble nécessaire de rétablir une certaine justice. C’est un monde animé par des idéaux et par le charisme de Margaret, dite Legs, dont le père n’est qu’une ombre depuis le décès de sa femme. Empreinte des idées de liberté et d’égalitarisme, elle édicte la table des lois de Foxfire, où chacune trouvera refuge et se dévouera (jusqu’à la mort ou l’exclusion s’il le faut). Simples suiveuses ou partisanes déterminées, chacune d’entre elles souhaite se réaliser dans cette nouvelle famille aux membres disparates. S’illustrant d’abord dans des actes anodins, comme punir un oncle cherchant à négocier sa machine à écrire destinée aux rebuts contre cinq dollars ou une gentillesse, le clan va très vite évoluer aux marges des règles communes, car pour vivre ses rêves ou tout simplement survivre, il faut subvenir à ses besoins …
Dans son adaptation cinématographique, Laurent Cantet nous propose une interprétation libre et pourtant quasi évangélique du bouleversant roman de Oates, où l’on retrouve une même tension tragique, montant progressivement, taisant avec pudeur le passage à Redbank de Legs pour mieux se focaliser sur ces consoeurs. Cette adaptation est d’une très grande qualité et servie par l’interprétation magistrale de ces jeunes femmes.