Histoire & Société

Brûlée vive

de Souad.

Ce témoignage bouleversant, je l’ai lu d’une traite. Il s’agit du seul et unique témoignage à ce jour d’une survivante d’un “crime d’honneur”.  Il y en a environ 5000 chaque année. Dans son pays d’origine, la Cisjordanie, comme ailleurs, le poids de la “coutume” est pregnant dans ces crimes, bien plus que celui de la religion. Comme Souad l’explique elle-même : “Les gens du village sont d’accord avec la loi des hommes. Si on ne tue pas une fille qui a déshonoré sa famille, les gens du village rejettent cette famille, plus personne ne veut lui parler, ou faire du commerce avec elle, la famille doit partir ! Alors… ”1Quel crime Souad a-t-elle commis ? Ayant appris qu’un homme l’a demandé en mariage à son père, son voisin d’en face, elle l’observe … puis en tombe amoureuse. Elle rêve de mariage, d’échapper à son quotidien fait de coups, d’humiliations et d’esclavage, car c’est ainsi que vivent les femmes de son village. Naître fille est une “malédiction”, la femme valant moins qu’une chèvre ou qu’un mouton, comme l’affirme son propre père. Ainsi ils finissent par se parler et se donner des rendez-vous cachés. Oui, il l’a demandé en mariage, oui, il veut l’épouser, oui, il va parler à son père pour permettre le mariage, “en suspens” tant que sa soeur aînée reste encore “vieille fille”, à 18 ans, car c’est ainsi : on se marie une fois son ou ses aîné(es) marié(es). Mais les intentions de Faiez ne sont peut-être pas aussi pures qu’il n’y paraît et il causera la perte de Souad.

Un crime d’honneur est donc décidé en famille. Car c’est ainsi que la coutume le veut.  Il faut laver l’honneur de la famille de Souad. La sentence est décidée en conseil, la femme étant exclue, n’ayant aucune possibilité de se défendre. Le crime est alors commis par un homme de la famille : le père, le frère, le beau-frère ou le cousin. Dans le cas de Souad, c’est son beau-frère qui “s’occupe d’elle”. Brûlée vive, elle réussit à s’échapper et, une formidable chance pour elle, est conduite par deux femmes qui sont dans la rue à l’hôpital. Une chance formidable, quand nous savons qu’il ne faut pas s’occuper de ces “histoires-là”. Non par indifférence mais par respect de la coutume. La rencontre providentielle d’une bénévole de l’association “Terre des Hommes” permet à Souad de sortir de son mourroir. Un hôpital certes, mais dans ces cas-là, les femmes sont laissées sans soins. Ce sont des “affaires de famille”.  Cette rencontre marque le début d’une renaissance, qui sera douloureuse, mais constitue un témoignage véritablement édifiant de courage.

Le témoignage de Souad est passionnant car pour nous Occidentaux, bercés par une société dans laquelle la femme est l’égale de l’homme et libre, il est une piqûre de rappel sur le fait que cette liberté ne concerne qu’une partie de la population féminine. Il nous alarme sur ces gynécides ayant lieu dans le monde, touchant diverses communautés, cultures ou ethnies et pour lesquels les meurtriers ou tortionnaires n’encourent aucune peine ou de durée dérisoire (6 mois de prison est déjà une exception !).

Pour plus d’infomations sur les crimes d’honneur, je vous invite à vous rendre sur ces deux articles d’Amnesty International : “Les crimes d’honneur”“Crimes d’honneur”, ainsi que sur le site de PopulationData.net

Découvrez également le travail réalisé par “Terre des Hommes“, d’Edmond Kaiser, et “Surgir“, nouvelle fondation créée par “Jacqueline”, sauveuse de Souad.

Brûlée Vive
Oh!Editions.
18.90€. 246 pages. ISBN : 2-915056-09-9.

1 Définition du crime d’honneur selon l’ONG Human Rights Watch : «  Les crimes d’honneur sont des actes de violence, le plus souvent des meurtres, commis par les membres masculins d’une famille à l’encontre de ses membres féminins, lorsqu’ils sont perçus comme cause de déshonneur pour la famille toute entière. Une femme peut être la cible d’individus au sein de sa propre famille pour des motifs divers, comprenant : le refus de participer à un mariage arrangé, le refus des faveurs sexuelles, la tentative de divorce  — que ce soit dans le cadre de la violence conjugale exercée par son mari ou dans un contexte avéré d’ adultère. La simple interprétation selon laquelle son comportement a “déshonoré” sa famille est suffisante pour enclencher une représaille.  »

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.